Mon éducation a été faite de bric et de broc.

Mais je n’ai pas trop dilapidé mon capital de départ: une santé assez solide.
Et cela m’a évité pas mal de désagréments.
En plus de quarante années de service, je n’ai été immobilisé que quelques jours, et je n’ai jamais pris la moindre drogue pour dormir.
Je m’appelle Robert Laferté.
De la multitude de conseils reçus au fil du temps, seuls quelques uns sont devenus des habitudes bien ancrées.
Par exemple, je dois au chanteur Hugues Aufray, 95 ans, de toujours dormir avec un oreiller sur le ventre.
Au réveil, je suis un peu comme une page blanche.
J’émerge, seulement conscient d’exister.
Je remercie mes totems pour la nuit passée.
Quand j’ai la chance de me souvenir d’un rêve, je le note dans un cahier spécial et je cherche ce qu’il peut bien signifier pour moi.
Je range les oreillers et la couette. Remets en place le couvre lit.
Et coupe le branchement du matelas que je me suis bricolé .
Car je dors raccordé à la prise de terre de mon immeuble. (J’ai des talents d’électricien)
De l’eau froide, puis chaude sur le visage avec les mains. Frictions vigoureuses sur la tête et le cou, les paupières et les oreilles.
Savon liquide seulement pour le rasoir mécanique.
Puis la pesée de l’animal et la prise de sa tension sanguine.
Et en cas de nez encombré, douche nasale à l’eau salée.
Ensuite, direction le balcon pour sonder l’humeur du ciel.
Au septième étage, j’ai une vue dégagée vers l’est, avec un large panorama de constructions devant moi.

J’aime m’exercer à repérer des petits détails : une pie sur un paratonnerre, une silhouette au loin qui téléphone, les vocalises d’un merle…
Et quelle que soit la météo, c’est le quart d’heure d’assouplissements et de respirations alternées, suivi d’une routine au sol.
Auto-massages des articulations des bras, des jambes et de la tête.
Je me concentre sur les petites sensations inhabituelles, fourmillements, picotements, douleurs fugaces provoquées par l’action de mes mains.
Je relis ensuite quelques formules écrites à mon usage personnel, que j’aime ressasser dans la journée.
Je termine par des exercices de percussions inspirées du taekwondo de Antoine, mon petit fils de huit ans.
Projection de chaque pied en criant, comme pour renverser un adversaire, et frappe des poings dans la paume des mains.
Et c’est le moment du petit déjeuner:
Je commence par me nettoyer la langue chargée des toxines de la nuit avec une cuillère qui me sert de grattoir, et me rincer la bouche avec de l’huile d’olive.
J’absorbe plusieurs liquides et aliments solides, du chaud et du froid, toujours à peu près les mêmes quantités.
Je ne fais rien d’autre que savourer ce que je mâche et avale.
En général, toutes ces activités me déclenchent le fonctionnement des émonctoires.
Je remets en marche mon portable éteint pendant la nuit.
Deux ou trois fois par jour, je scrolle le fil d’actualités et les mails reçus.
Seuls quelques sujets spécifiques m’intéressent, et je fuis comme la peste les sites qui veulent vous envahir de publicités.
Les activités de la journée se précisent dans mon esprit.
D’abord les figures imposées: Je passe en revue mentalement tous les détails d’un rendez vous ou d’un chantier inscrits à mon agenda.
J’essaie de cerner les zones de flou et les difficultés possibles.
Les milliers de chantiers déjà traités m’ont amplement montré qu’on ne peut pas tout prévoir.
Et des mauvaises surprises sont toujours possibles.
C’est la part du feu, les risques du métier.
Mais une organisation méticuleuse réduit fortement les risques.
Je suis à mon compte depuis plus de trente années, et j’ai appris à composer avec les contraintes de temps.
Par exemple, j’ai appris à ne plus trop stresser en cas d’ imprévu ou de retard.
Ne pas me préoccuper de ce qui échappe à mon influence.
N’étant plus en pleine activité, je peux m’organiser comme je souhaite.
Et il y a toujours les satisfactions de mon métier.
En plus d’une grande liberté d’action, il m’arrive de réaliser des enchainements “magiques”, alors que je m’attendais à des difficultés.
Quand cela se produit, cela me met en joie.
Mais le plus souvent, je dois rester très concentré pour parvenir laborieusement à un résultat.
Je cherche souvent à compléter l’activité principale d’une journée par quelque chose de complémentaire, un peu comme le vert avec le rouge.
J’ai toujours avec moi de la lecture.
Et j’aime bien écrire.
Des essais historiques, des billets d’humeur ou mon autobiographie, car j’ai eu une vie à rebondissements.
Mes lecteurs sont quelques amis qui disent apprécier ma prose.
Je m’oblige à ne pas rester de longues heures (r)assis devant mon écran.
J’alterne donc mes activités.
Je suis d’un caractère “taiseux”, et cela s’est accentué avec une perte d’audition qui m’oblige à porter des prothèses auditives.
Pour contrer cette tendance naturelle, je m’oblige à pratiquer des exercices d’articulations et de lectures à haute voix, et du chant.
Je me dégourdis aussi les doigts et le cerveau sur un vieux piano fatigué.
Mais je sais aussi où aller pour m’exercer sur un très bon piano.
Lorsque le temps est au beau, j’ emporte mon sac de golf pour me défouler ou faire une partie, souvent 9 trous, à une demi heure de chez moi.
Je pratique ce sport en dilettante depuis plus de quarante ans.
Il est parfait pour moi.
De la marche dans une belle nature et souvent en bonne compagnie.
Et la variété du jeu, avec des frappes pour envoyer la balle à 150 mètres et plus, et d’autres coups tout en finesse.
Quand la journée se termine, je note dans mon journal de bord si mon moteur a tourné rond, ou s’il a connu quelques ratés.
car je me sens un peu comme notre globe terrestre qui avance dans le vide en tournant sur lui-même, sans perdre de vue son étoile ni son axe.
Une valse à mille temps avait chanté Jacques Brel.
Et je remercie mes totems qui m’ont aidé à traverser cette belle journée supplémentaire.
A votre tour, je vous invite à imaginer votre journée type idéale, à partir de vos journées réelles, en décrivant les sentiments que vous éprouvez et les difficultés que vous rencontrez le plus souvent.